Une journée type dans la vie d’un accueillant familial

Céline Builier

Famille

Je me souviens de ce matin où Marie, l’une de nos résidentes, m’avait confié combien elle aurait aimé finir ses jours dans une vraie maison, entourée d’une présence chaleureuse. Cette conversation m’avait profondément marquée et m’avait poussée à m’intéresser à l’accueil familial, cette alternative si singulière entre le maintien à domicile et l’établissement spécialisé. Aujourd’hui, je souhaite partager avec vous ce que représente véritablement une journée dans la vie d’un accueillant, ce métier si particulier où le cœur et le professionnalisme s’entremêlent.

Ce métier qui transforme une maison en lieu de vie partagé

L’accueil familial permet à des personnes âgées ou en situation de handicap d’être hébergées au domicile de particuliers agréés par le conseil départemental. Je trouve cette formule bouleversante de simplicité et d’humanité. Un accueillant familial avec Monsenior peut accompagner une à trois personnes dans son propre habitat, leur offrant un cadre sécurisé et personnalisé. Cette solution représente environ 50% du coût d’un hébergement en EHPAD, soit à partir de 1 600 euros mensuels selon le niveau de dépendance.

Pour obtenir l’agrément, les candidats doivent suivre une formation obligatoire de 54 heures avant le premier accueil, complétée par 12 heures annuelles de formation continue. Cet agrément, délivré pour cinq ans renouvelables, garantit que la maison respecte des normes précises : une chambre de 9 m² minimum pour une personne seule, 16 m² pour un couple, ainsi qu’un accès libre aux pièces communes. Je comprends mieux maintenant pourquoi cette réglementation stricte protège autant les personnes accueillies que les accueillants.

Le statut d’accueillant familial demeure unique dans le paysage professionnel français. Ni salarié ni auto-entrepreneur, cet indépendant perçoit une rémunération minimale de 29,13 euros par jour et par personne, à laquelle s’ajoutent les indemnités de congés payés, de sujétions particulières (entre 3,91 et 15,43 euros selon la dépendance), ainsi que les indemnités pour le logement et l’entretien. Lorsqu’un accueillant héberge trois personnes de GIR 3, sa rémunération peut atteindre 6 600 euros nets mensuels, dont environ 3 600 euros restent pour ses dépenses personnelles.

Le rythme quotidien entre accompagnement et partage

Ma journée débute généralement entre 8h00 et 9h30, selon les habitudes de chacun. J’accompagne le petit-déjeuner avec la prise des médicaments, puis vient le moment de la toilette et des soins d’hygiène. Pour certaines personnes autonomes, cette étape se déroule seule, tandis que d’autres nécessitent mon aide complète. Je prends soin de respecter les rituels importants : le maquillage pour celles qui y tiennent, la lecture du journal pour les passionnés d’actualité.

Vers midi, nous partageons le repas en famille. Ces instants de convivialité sont précieux, marqués parfois par de franches rigolades quand mes enfants rentrent de l’école. Les personnes accueillies participent à la mise de la table et au débarrassage selon leurs capacités. Cette participation active à la vie quotidienne préserve leur autonomie et leur sentiment d’utilité, deux aspects que j’ai appris à valoriser dans mon travail auprès des seniors.

L’après-midi s’organise autour d’un temps calme entre 13h30 et 15h45. Chacun rejoint sa chambre pour la sieste, les mots mêlés, la lecture ou l’écoute de musique. Cette pause de deux heures profite à tous, permettant de recharger les batteries avant les activités de fin d’après-midi. Vers 16h00, nous prenons le goûter, puis selon les envies : bricolage, jardinage, promenades, sorties au marché. Pour les personnes en fauteuil roulant, j’organise des déplacements au supermarché, car maintenir le lien social demeure essentiel.

HoraireActivité principaleNiveau d’accompagnement
8h00-9h30Réveil, petit-déjeuner, toiletteVariable selon l’autonomie
12h00Déjeuner en famillePartage et convivialité
13h30-15h45Temps calme et reposAccompagnement discret
16h00-17h30Activités et sortiesSelon les capacités
18h30-19h00Dîner familialAide si nécessaire
20h00-21h00Soirée calme et coucherRespect des rituels

Le soir, nous rentrons vers 17h30 pour préparer le dîner. Le repas se déroule entre 18h30 et 19h00, toujours en famille, avec la prise des traitements médicamenteux. J’aide certaines personnes à manger lorsque les difficultés motrices compliquent les gestes. Après l’infusion, la soirée se poursuit devant les émissions préférées ou autour de jeux de société comme le rummikub. Le coucher s’effectue entre 20h00 et 21h00, chacun rejoignant son espace personnel.

Une journée type dans la vie d’un accueillant familial

Les aides financières qui facilitent cet accueil

Les personnes accueillies bénéficient de plusieurs dispositifs d’aide financière qui rendent accessible cette solution. L’APA à domicile constitue le principal soutien pour les personnes dépendantes, complétée par les aides au logement comme l’APL et l’ALS. En situation de ressources insuffisantes, l’aide sociale à l’hébergement (ASH) peut prendre le relais.

Je constate régulièrement que les familles méconnaissent ces possibilités. Pourtant, les salaires versés à l’accueillant ouvrent droit à un crédit d’impôt significatif. D’autre part, les pensions alimentaires versées par les descendants sont déductibles fiscalement. La personne accueillie me rémunère directement par virement, chèque ou CESU, ce système simplifiant considérablement les démarches administratives.

Les différents types d’accueil s’adaptent aux besoins spécifiques :

  • L’accueil permanent à durée indéterminée pour une installation durable
  • L’accueil temporaire après hospitalisation ou pendant les vacances des proches
  • L’accueil séquentiel avec une périodicité définie (week-ends, semaines hors week-end)
  • L’accueil à temps partiel, de jour ou de nuit uniquement

Une mission qui dépasse largement un métier

Être accueillant familial représente bien plus qu’une profession, c’est véritablement une mission de cœur. Cette activité offre la satisfaction d’exercer un métier tourné vers l’humain, au rythme des personnes, en prenant vraiment le temps pour elles. Des liens forts se tissent au fil des jours, rendant chaque instant enrichissant. Dans mon établissement, j’observe quotidiennement combien la dimension humaine transforme l’accompagnement des seniors.

Toutefois, je ne cache pas que cette activité peut se révéler lourde à porter. L’écart demeure considérable entre accompagner une personne GIR 4 relativement autonome et prendre en charge une personne GIR 2 atteinte de pathologies comme la maladie de Charcot. La bonne entente entre l’accueillant et la personne accueillie reste primordiale. En cas de difficultés relationnelles, la recherche d’une autre famille d’accueil s’avère parfois nécessaire.

L’accompagnement par une équipe pluridisciplinaire du département garantit un suivi régulier des conditions d’accueil. Un projet personnalisé doit être élaboré dans les deux mois suivant l’arrivée, puis révisé annuellement. Cette supervision rassure les familles tout en soutenant les accueillants dans leurs missions quotidiennes. Voir la personne accueillie heureuse constitue la plus belle récompense, celle qui donne tout son sens à cet engagement professionnel et humain.

Un engagement quotidien qui change des vies

Au fil du temps, je me suis rendu compte que l’accueil familial dépasse largement les simples tâches du quotidien. C’est une manière profondément humaine d’offrir un véritable chez-soi à ceux qui en ont besoin. Chaque journée apporte son lot d’émotions, de petits progrès, de rires partagés et parfois de défis, mais toujours avec ce sentiment d’utilité qui rend ce métier unique. Pour de nombreuses personnes âgées ou fragilisées, intégrer une famille d’accueil signifie retrouver une place, un rythme, une chaleur qu’elles pensaient perdus. Et pour l’accueillant, c’est la certitude d’accomplir une mission qui a du sens.

A propos de l'auteur :

Céline Builier

Céline Builier, jeune autrice de 26 ans, s'illustre par sa plume sensible et engagée. Elle travaille dans un EHPAD, où elle se dévoue chaque jour au bien-être des seniors. Son expérience auprès des personnes âgées inspire profondément son écriture, imprégnant ses récits d'une humanité touchante et d'une empathie sincère. Céline parvient à capturer avec finesse les histoires de vie de ceux qu'elle accompagne, offrant à ses lecteurs des œuvres riches en émotions et en réflexions sur le vieillissement, la mémoire et les liens intergénérationnels. Passionnée et attentive, elle insuffle à ses écrits une authenticité qui résonne longtemps après la lecture.

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